Synthèse
Qualification du paysage sonore et visuel
De la visite du terrain, nous pouvons retenir quelques éléments.
Tout d’abord, nous pouvons affirmer que l’ambiance sonore de nos différentes zones d’étude est basée sur 3 types de sons: ceux de la nature, des transports et des personnes. Mais nous avons pu remarquer qu’en fonction des zones, l’une de ces composante (transport pour le boulevard du Castel et la nature pour la promenade du Bief de l’Ouche par exemple) prend le dessus sur les autres.
Nous pouvons cependant faire le constat que le son des voitures est omniprésent dans toutes les zones. En revanche, il n’a pas la même intensité partout. Sur les espaces routiers comme les boulevards, les rues, comme sur les espaces ouverts, ils auront tendance à être plus fort (jusqu’à plus de 20 décibels de différence). De même, un espace plus renfermé et entouré de végétation aura tendance à absorber une partie du bruit, à l’image de la promenade du Bief de l’Ouche. Toujours présent au moins en arrière plan, pourrait-on dire que le son des voitures est le son de la ville ?
Les bruits d’animaux comme les oiseaux ou les canards ne sont repérables seulement dans des espaces verts, plutôt éloignés de la circulation.
Il y a quantité de sons ponctuels qui viennent s’additionner aux bruits de fond. Les piétons, la cloche du tramway, d’éventuels travaux, le passage du train, la tondeuse… La plupart ont d’ailleurs une connotation négative à nos oreilles puisqu’ils viennent se rajouter en plus aux bruits quotidiens, et souvent perçu comme une agression.
D’ailleurs, sur une même zone, les sons ne sont pas uniformes. Des installations peuvent amplifier le son, à l’image du pont du boulevard du Castel.
De même, les sons d’origine naturelle ont tendance à être perçus de manière plus positive, souvent considérée comme une pause reposante au milieu des bruits plus constants de l’automobile.
Concernant la temporalité des sons entendus, nous ne pouvons pas dire qu’il y a une grande différence: l’ambiance sonore est globalement la même entre 14 et 16h qu’entre 16h et 18h. Cependant, il nous manque des données pour avoir un résultat fiable: en effet, il aurait été intéressant d’avoir les sons entendus entre 7h30 et 8h30 ainsi qu’entre 18h et 21h car nous pouvons émettre l’hypothèse que c’est pendant ces plages horaires que les variations de l’ambiance sonore semblent être les plus perceptibles (sans doute plus calme avec moins de voitures aux alentours de 21h et beaucoup plus de circulation vers 8h lorsque les populations vont au travail). Il nous aurait également été utile d’avoir les indications du sonomètre pour chaque plage horaire et pour chaque zone, afin de percevoir si le niveau sonore est réellement différent. Les circonstances nous ont donc empêché de pouvoir exploiter pleinement notre protocole d’enquête pour l’axe 1.
Adéquation entre paysage visuel et sonore
La situation particulière de confinement a modifié la réalisation du protocole d’enquête de l’axe 2. En effet, nous avions au départ prévu d’interviewer 5 personnes chacune, soit un total de 20 personnes mais les circonstances nous ont finalement permis de ne réaliser que 8 entretiens. Ceci a pour conséquences de restreindre les comparaisons des différentes réponses et donc de limiter la confiance des résultats globaux obtenus lors des enquêtes.
Cependant, nous avons tout de même pu obtenir des conclusions intéressantes.
Tout d’abord, concernant la réalisation technique des entretiens, il n’y a pas eu de problème majeur. Nous pouvons tout de même noter que lors des présentations des images, les enquêtés avaient parfois tendance à les décrire visuellement plutôt que d’y associer des sons. Mais une relance de l’enquêteur permettait d’obtenir les réponses attendues.
De manière générale, les enquêtés ont eu plus de chose à dire lorsqu’il s’agissait d’associer des sons aux images que l’inverse. Ceci est sûrement dû au fait que les bandes sonores pouvaient parfois être difficile à décrypter en raison du « fond sonore/grésillement » de l’appareil de prise de son. Aussi, peut-être, parce que dans notre société actuelle est très axée sur le visuel, un support sonore unique est plus déroutant et inhabituel.
Et nous avons également pu constater qu’il était plus facile pour les personnes jeunes (garçons de 12 et 20 ans) de décrire et d’associer une scène aux sons que pour les enquêtés plus âgés. Nous pouvons émettre l’hypothèse que c’est parce que les jeunes générations sont plus accoutumées aux nouvelles technologies et qu’elles peuvent être plus souvent amenées à effectuer ce genre d’enquête (dans le cadre scolaire par exemple).
Concernant les résultats des entretiens, nous pouvons de manière globale affirmer qu’il n’y a pas eu de grosse surprise au sujet des sons réellement associés aux images. En effet, les enquêtés avaient de manière générale bien appréhendé le profil sonore et visuel des zones d’études.
Il y a eu des exceptions cependant : l’Esplanade et la Promenade du Bief de l’Ouche. En effet, les enquêtés ont été très étonnés de la force des bruits de circulation et des sons de chantier ou de trains associés à ces images, alors que celles-ci présentait des espaces supposés calmes.
Ainsi, ceci nous amène à dire que les espaces de verdures sont associés au calme, à une ambiance sonore relaxante alors que ceux très bétonnés s’apparentent à des lieux très bruyants et désagréables. Parallèlement, cela révèle aussi que les enquêtés ne se sont appuyés que sur le visuel. “ça on ne pouvait pas savoir”. Très peu ont essayé d’aller au delà de l’image, de lui créer un contexte pour en dérouler d’autres sons.
Nous pouvons cependant noter que le profil des enquêtés n’est pas neutre : en effet, la majorité habitent à la campagne, aiment pratiquer des activités en pleine nature et sont sensibilisés aux questions environnementales. Ainsi, ils associent plus aisément la ville à ses nuisances, alors qu’une personne plus citadine pourrait trouver agréable le fait d’avoir une rue animée et vivante même si celle-ci est bruyante “il y en a qui aime ça”, comme disait un enquêté. La subjectivité, comme nous avions pu le lire dans les articles consultés préalablement, est donc très présente dans la qualification des ambiances sonores.
Cette enquête, menée au long cours, nous a permis d’établir certaines conclusions.
En effet, grâce à nos différents axes de recherche et aux diverses méthodes d’enquêtes utilisées, nous avons pu faire ressortir certains invariants.
Tout d’abord, de manière générale, nous pouvons affirmer que paysages sonore et visuel sont intrinsèquement liés: lorsque l’on prive une personne de l’un des deux, son imagination comble le manque. Ainsi, par exemple, à partir d’une base simplement visuelle, un individu peut déceler l’ambiance sonore d’un lieu, et inversement.
Ce constat reste cependant subjectif: en effet, la qualification d’un lieu dépend beaucoup du vécu et de la sensibilité de la personne interrogée. Ainsi, de manière globale, les paysages sonores et visuels sont associés à certains grands types d’espaces (nature, ville…) mais chacun d’eux a également une résonance particulière selon les individus.
Ainsi, certains sons ou espaces sont considérés comme désagréables par certains (rue très circulante) tandis qu’ils ne seront pas considérés comme négatifs par d’autres.
Nous pouvons également noter qu’il y a différentes catégories de sons, pouvant être associées à certains bruits et lieux définis.
Tout d’abord, il y a les sons dits “naturels”, associés au chant des oiseaux, au bruit de l’eau, du vent… Ces sons sont majoritairement perçus comme positifs et apaisants et sont associés principalement aux parcs (concernant notre étude).
La deuxième catégorie est celle des “transports”, associée aux bruits de circulations motorisés des véhicules individuels et collectifs (voiture, bus, moto, tramway…). Ces sons sont considérés la plupart du temps comme négatifs car ils sont très bruyants, fatigants et stressants.
La dernière catégorie est celle des “personnes”, c’est-à-dire les bruits de voix, les modes doux (vélo, trottinette, bruits de pas…). Ces sons sont les plus difficiles à appréhender et à catégoriser car ils dépendent fortement de leur puissance et de leur nombre (les bruits de voix à une terrasse de café bondée semblent plus dérangeants que 2 personnes discutants sur un banc).
De plus, nous avons pu remarquer que les ambiances sonores d’un lieu sont mouvantes et évolutives au cours du temps (que ce soit à l’échelle d’une journée ou des différentes périodes de l’année). En effet, le volume sonore peut être très différent en fonction des heures et du contexte (un espace très calme en journée peut devenir bruyant le soir en cas de concert par exemple). Ainsi, la perception sonore est influencée par différents paramètres.